Le fondateur d'une SARL avait, par acte notarié, vendu au
cousin de ses neveux des parts de celle-ci, moyennant un prix payé « comptant
directement et en dehors de la comptabilité du notaire » ; cet acte stipulait
que « la cession résultant de la présente donation sera signifiée à la société
». Au décès du fondateur, ses héritiers avaient demandé en justice la réunion
des parts à la masse partageable en soutenant que la cession de parts
constituait une donation déguisée.
Cette demande a été rejetée dès lors, d'une part, que le
terme « donation » inséré dans l'acte authentique de cession des parts
constituait un lapsus, insuffisant pour faire considérer que la cession
relevait d'une donation déguisée et, d'autre part, que la preuve de l'intention libérale du fondateur à
l'égard de l'acquéreur n'était pas rapportée quand bien même la valeur de la
part se révélerait inférieure à celle ressortant d'une expertise, sa véritable intention étant de privilégier la poursuite de l'exploitation
de la société en plaçant à sa tête des dirigeants susceptibles de le
remplacer dans le même esprit.
La donation déguisée est celle qui est faite sous
l'apparence d'un acte à titre onéreux, ici une cession de droits sociaux,
généralement en vue de bénéficier de droits de mutation moins élevés. En dehors
des cessions avec réserve d'usufruit ou à charge de rente viagère consenties à
un héritier en ligne directe qui sont présumées constituer des donations
déguisées hors part successorale (C. civ. art.
918), le juge ne peut requalifier une cession en donation qu'en constatant
l'intention libérale du cédant envers l'acquéreur.
A cette fin, il se fonde sur un
faisceau d'indices qui peuvent concerner le cédant (son âge, son état de santé
; les liens de parenté, d'alliance ou d'affection qui l'unissent à l'acquéreur
; sa situation de fortune qui, le mettant à l'abri du besoin, ne motive pas une
aliénation à titre onéreux), l'acquéreur (sa qualité d'héritier présomptif ou
de légataire du cédant ; sa situation de fortune qui ne lui permet pas
d'acquitter le prix) ou le contrat lui-même. L'intention libérale ne peut pas
être déduite du seul déséquilibre entre les engagements respectifs des parties.
La donation déguisée est une opération risquée sur le
plan juridique. Si le bénéficiaire est l'un des héritiers du donateur, la
valeur du bien donné devra être ajoutée à l'actif successoral au moment du
partage pour déterminer la part de chaque héritier (C.
civ. art. 843 s.). En outre, si le donateur laisse des héritiers réservataires
(descendants, ascendants jusqu'au 31-12-2006 ou conjoint survivant) au jour de
son décès, la donation est réductible si elle empiète sur la part que la loi
réserve à ces héritiers (C. civ. art. 920 s.). Enfin
sur le plan fiscal, les droits de mutation à titre gratuit qui auraient dû être
acquittés sont exigibles. La donation déguisée est en outre sanctionnée par une
pénalité égale à 80 % des droits rappelés, qui s'ajoute à l'intérêt de retard
au taux de 0,40 % par mois (CGI art. 1727 et 1729).
Cass. 1e civ. 27 mars 2007 n° U 05-15.102
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