Des mesures d'instruction peuvent être ordonnées par le juge, à la
demande de tout intéressé, lorsqu'il existe un motif légitime de conserver ou
d'établir avant tout procès la
preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige (expertise
préventive ou « in futurum » ; NCPC art. 145).
Le PDG d'une holding qui avait
cédé les actions d'une filiale de celle-ci lui appartenant avait demandé, sur
le fondement de ce texte, la nomination d'un expert afin d'évaluer le prix des
actions cédées. Il soutenait en effet avoir été victime de manœuvres dolosives
l'ayant déterminé à vendre ses actions à un prix dérisoire.
La cour d'appel de Paris a rejeté sa demande pour les raisons suivantes :
- l'intéressé savait avant la cession que le prix de l'action était presque vingt-cinq fois inférieur à sa valeur trois ans auparavant, de sorte qu'il ne pouvait pas invoquer ce différentiel comme motif légitime ;
- seul le fait pour lui de ne pas avoir disposé des moyens de trouver l'origine de ce différentiel pouvait légitimer sa demande. Or, en sa qualité de PDG de la holding et d'actionnaire majoritaire de la filiale, il avait eu accès à des éléments d'information suffisants pour analyser la situation ; à tout le moins, il pouvait se faire assister à cette fin avant de prendre la décision de céder les actions litigieuses ; d'ailleurs, à l'occasion de l'assemblée générale ordinaire des actionnaires de la filiale, il avait pu consulter le bilan et le compte de résultat, les rapports du conseil d'administration et du commissaire aux comptes, autant d'éléments lui ayant permis de connaître la valeur des actions au jour de la cession.
Le dol dont s'est rendue coupable
une partie ne peut pas être invoqué par l'autre partie lorsqu'elle connaissait
ou était en mesure de connaître la situation de la société dont elle a acquis
ou cédé les parts. Dans un tel cas en effet, elle ne peut pas soutenir que le
dol l'a déterminée à donner son consentement. Cette connaissance de la
situation sociale, qui peut être déduite des modalités financières de la
cession ou, comme en l'espèce, de la qualité de la prétendue victime, ôte
également tout caractère légitime à la mise en oeuvre d'une mesure
d'instruction préventive.
CA Paris 17 novembre 2006 n°
06-7544, 14e ch. B. Bensoussan c/ Freoa.
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