Par quatre arrêts du 24 septembre 2008, la chambre
sociale de la Cour de cassation précise les règles méthodologiques que les
juges doivent suivre dans la recherche de la preuve de l'existence d'un
harcèlement dans l'entreprise.
Alors qu'elle avait considéré, dans un arrêt du 27
octobre 2004, qu'elle n'avait pas à contrôler l'appréciation faite par les
juges des éléments produits par les parties pour établir l'existence d'un
harcèlement en raison du pouvoir souverain des juges du fond, la Cour de cassation
opère un revirement en renforçant la nature de son contrôle.
Elle estime nécessaire d'harmoniser
les pratiques des différentes cours d'appel et de préciser les règles qui
conduisent la recherche de la preuve.
Dans ces arrêts, elle répartit la charge de la preuve
des faits constitutifs de harcèlement entre le salarié et l'employeur.
Interprétant l'article L. 122-49 du Code du travail (devenu CT, art. L. 1152-1)
à la lumière de la directive du Conseil du 27 novembre 2000 portant création
d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et
de travail, elle affirme que, dès lors que le salarié établit des faits qui
permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie
défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel
harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs
étrangers à tout harcèlement.
La chambre sociale en déduit que s'il appartient au
salarié d'établir la matérialité des faits qu'il invoque, les juges doivent, quant
à eux, appréhender ces faits dans leur ensemble et rechercher s'ils permettent
de présumer l'existence du harcèlement. En ce cas, il revient à l'employeur
d'établir qu'ils ne caractérisent pas une telle situation.
Ainsi, dans les affaires n° 06-45.747 et n° 06-45.794,
sur avis non conforme de l'avocat général, la Cour de cassation censure une
cour d'appel ayant débouté une salariée au motif que les pièces qu'elle
produisait ne permettaient pas de faire présumer l'existence d'un harcèlement,
sans tenir compte de l'ensemble des éléments qu'elle établissait.
Elle adopte une solution identique à propos du pourvoi
n° 06-45.579 : une sage-femme réclamant à son employeur des dommages-intérêts
pour harcèlement moral a été déboutée par la cour d'appel au motif qu'il
n'était pas établi que sa dépression était la conséquence d'agissements répétés
de harcèlement moral émanant de l'employeur, que la médecine du travail n'avait
pas été alertée et que l'allégation d'un malaise collectif des autres
sages-femmes de la clinique ne permettait pas d'établir l'existence
d'agissements répétés de harcèlement moral.
La Haute juridiction considère qu'en statuant ainsi,
sans rechercher, d'une part, si les autres faits allégués par la salariée
étaient établis, notamment le retrait arbitraire de son statut de cadre, la
stagnation de sa rémunération, la suppression de ses primes et la détérioration
de ses conditions de travail et, d'autre part, si ces faits étaient de nature à
faire présumer un harcèlement moral, la cour d'appel n'a pas donné de base
légale à sa décision.
Au contraire, dans l'affaire n° 06-46.517, la chambre
sociale a considéré, conformément à l'avis de l'avocat général, approuvé une
cour d'appel qui, ayant relevé qu'un cadre avait eu un comportement, dénoncé
par sa subordonnée mineure, consistant à tenter de l'embrasser contre son gré
sur le lieu du travail, à l'emmener à son domicile en renouvelant à cette
occasion des avances de nature sexuelle et à l'appeler fréquemment par
téléphone en dénigrant la relation affectueuse qu'elle entretenait avec un ami,
que ce cadre avait commis un harcèlement sexuel qui justifiait son licenciement
pour faute grave.
Enfin, dans l'affaire n° 06-43.504, la cour rejette le
pourvoi formé par une salariée déboutée de sa demande de dommages-intérêts. Si
celle-ci rapportait bien la preuve d'un certain nombre de faits, l'employeur
pouvait cependant démontrer qu'ils étaient justifiés par la situation
économique de l'entreprise et la nécessité de sa réorganisation.
Source
Cass. soc., 24 sept. 2008, n° 06-46.517;
Cass. soc., 24 sept. 2008, n° 06-45.747 et n°
06-45.794,
Cass. soc., 24 sept. 2008, n° 06-45.579,
Cass. soc., 24 sept. 2008, n° 06-43.504,
Cour de cassation, 24 sept. 2008, communiqué
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