Racheter un contrat d’assurance
vie implique pour le souscripteur qu’il soit titulaire de l’intégralité de ses
droits, ce qui est mis en doute lorsqu’il a désigné un bénéficiaire ayant
accepté cette désignation.
En novembre 1999, un retraité souscrit un contrat d’assurance pour une
durée de 30 ans auprès de Generali assurance vie, dans le cadre de la
législation fiscale sur le plan d’épargne populaire. Il s’agit d’un contrat
mixte comprenant la constitution d’un capital, payable à son terme à l’assuré
ou, en cas de décès de ce dernier, à des bénéficiaires qui ont été
désignés.
Ceux-ci acceptent cette
stipulation faite en leur faveur. Le souscripteur décide de procéder au rachat
de son contrat en application de clause, prévoyant
expressément cette possibilité.
Il
s'est vu opposer un refus de l'assureur, qui a invoqué les dispositions de
l'article L. 132-9 du code des assurances déclarant l’irrévocabilité de la
désignation du bénéficiaire en cas d’acceptation de sa part, et interdisant le
rachat sans son accord.
De son
côté, le curateur a alors assigné l'assureur pour obtenir l'annulation du
contrat et, subsidiairement, sa réduction.
Le
tribunal de grande instance de Montluçon a condamné la société d’assurances à
des dommages-intérêts pour manquement à son devoir d'information et de conseil
envers le souscripteur.
La
compagnie revient sur sa position et consent au rachat en ne se prévalant plus
de la nécessité de l'accord des bénéficiaires.
Ces
derniers confirment leur refus du rachat, en soutenant par ailleurs que le
souscripteur avait entendu leur faire une donation.
La cour
d'appel de Riom, infirmant le jugement, dit que l’assuré est bien fondé à
exercer le rachat du contrat d'assurance-vie souscrit, en considérant que seule
la désignation du bénéficiaire est irrévocable, mais que le contrat garantit le
droit au rachat dans le cas où le souscripteur entend disposer des fonds pour
satisfaire ses propres besoins, sans que les bénéficiaires puissent opposer
leur refus ni se prévaloir d'une libéralité consentie irrévocablement.
La
chambre mixte de la Cour de cassation saisie d’un pourvoi tranche en faveur du
souscripteur.
L'opération
de rachat consiste, pour le souscripteur du contrat d'assurance-vie, à demander
le remboursement anticipé de tout ou partie de la "provision
mathématique" constituée par la compagnie d'assurance, eu égard aux
cotisations initialement versées par le souscripteur.
Ce
"rachat" est prévu par l'article L. 132-21, alinéa 4 du code des
assurances, aux termes duquel "l'entreprise d'assurance ou de
capitalisation doit, à la demande du contractant, verser à celui-ci la valeur
de rachat du contrat dans un délai qui ne peut excéder deux mois".
Seul le
souscripteur peut exercer le droit de racheter son contrat, qui ne peut être
exercé, ni par le bénéficiaire de l'assurance-vie, ni par l'assuré s'il est
distinct du souscripteur, ni par les créanciers de l'assuré, y compris lorsque
le créancier est le fisc.
L’arrêt
ne revient pas sur l’irrévocabilité de la "désignation du bénéficiaire. Au
plan contractuel, en acceptant un contrat d'assurance-vie mixte prévoyant une
faculté de rachat par le souscripteur, le bénéficiaire a donc accepté le
contrat tel qu'il a été conclu et admis par avance cette faculté de rachat. Il
a donné son accord à un éventuel rachat.
La Cour
de cassation a donc tranché en déclarant que le souscripteur conservait le
droit d’exercer la faculté de rachat malgré l’acceptation du bénéficiaire. Cependant,
il peut y renoncer de manière expresse, ce qui exclut les cas de renonciation
implicite.
Reste
que la portée de cette décision est limitée du fait que la loi du 17 décembre
2007 prévoit que l’acceptation du bénéficiaire, à laquelle le souscripteur doit
souscrire, gèle la faculté de rachat du souscripteur.
Cette
loi s’applique aux contrats en cours et non acceptés à la date de son entrée en
vigueur. L’arrêt de la chambre mixte ne concerne les contrats acceptés avant
l’entrée en vigueur de la loi nouvelle.
Cass., Ch. mixte, 22 février
2008, n° 06-11934
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