Par un arrêt de principe du 6 octobre 2006 (n° 05-13.255), l'assemblée
plénière de la Cour de Cassation décide qu’un tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité
délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé
un dommage.
En l'espèce, et sans en informer le bailleur, une société locataire d’une
immeuble commercial avait confié à un tiers la gérance de son fonds de commerce
exploité dans les locaux loués. Invoquant un défaut d'entretien des locaux de
la part du bailleur, le locataire gérant assigna ce dernier en référé, afin
d'obtenir la remise en état des lieux et le paiement d'une indemnité
provisionnelle en réparation d'un préjudice d'exploitation.
La cour d'appel de Paris fait droit à cette demande sur le fondement de l'article 1382 du
Code civil et condamne le bailleur au paiement d'une provision au profit du
locataire et du locataire gérant à valoir sur leur préjudice consistant dans
les conséquences d'une impossibilité d'exploiter normalement les locaux loués.
Le bailleur se pourvoit en cassation. Reconnaissant que l'effet relatif
des contrats n'interdit pas aux tiers d'invoquer la situation de fait créée par
les conventions auxquelles ils n'ont pas été parties, dès lors que cette
situation de fait leur cause un préjudice de nature à fonder une action en
responsabilité délictuelle, le bailleur considère que, dans ce cas, le tiers
doit alors établir "l'existence d'une faute délictuelle envisagée en
elle-même indépendamment de tout point de vue contractuel".
La Cour de cassation réunie en Assemblée plénière rejette ce moyen :
"le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la
responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce
manquement lui a causé un dommage". Ainsi, en l'espèce, en relevant
que le défaut d'entretien des locaux rendait impossible l'usage normal des
locaux loués, la cour
d'appel avait bien caractérisé le dommage causé par les
manquements du bailleur au locataire gérant du fonds de commerce.
Cet arrêt met un terme à une divergence opposant la Chambre commerciale
à la première chambre civile. En effet, cette dernière avait énoncé que " les
tiers à un contrat sont fondés à invoquer l'exécution défectueuse de celui-ci
lorsqu'elle leur a causé un dommage, sans avoir à rapporter d'autre preuve"
(Cass. 1re civ., 18 juill. 2000, n° 99-12.135).
Mais, la Chambre commerciale n'avait pas retenu cette solution,
décidant "qu'un tiers à un contrat ne peut obtenir, sur le fondement de
la responsabilité délictuelle, réparation d'un des cocontractants que s'il
démontre que celui-ci lui a causé un dommage en manquant à son égard au devoir
général de ne pas nuire à autrui, sanctionné par (l'article 1382 du
Code civil)" (Cass. com., 8 oct. 2002, n° 98-22.858).
La première chambre civile avait par la suite maintenu sa position
(Cass. 1re civ., 18 mai 2004, n° 01-13.844). L'Assemblée plénière tranche
donc ici en faveur de la solution retenue par la première chambre civile,
rejetant de la sorte le courant prônant l'autonomie de la faute délictuelle par
rapport au contrat.
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